The Iran Brief®

Policy, Trade & Strategic Affairs

An investigative tool for business executives, government, and the media.

La Grande Fauche: La Fuite des Technologies verl'Est

(English title: Gorbachev's TechnologyWars)

by KennethR. Timmerman

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Chapitre : Le Réseau Richardt

 

Une éminente confrérie

Il y a des passeurs qui entrent dans la légende...

Ainsi l'allemand Richard Müller, suspecté par certainsd'être un agent "illégal" de l'Est, qui adéfrayé la chronique en 1983 lorsqu'une livraisond'ordinateurs VAX 11/782 destinée à l'URSS futinterceptée par les Douanes à Hambourg (RFA) età Helsingborg (Suède). Avec ses 60sociétés-écran, ses dizaines de millions dedollars de profit, ses passeports multiples, ses pseudonymes, et sontalent jusqu'ici imbattable d'éviter toute tentatived'arrestation, Richard Müller reste l'archétype duTechnobandit qui, recherché par la police, fait ses valises dujour au lendemain pour reprendre ses activitiés dans unnouveau pays. Aujourd'hui en fuite, il est frappé d'un mandatd'arrêt international.

Ainsi Werner Bruchhausen, qui a mis en place un reseau defaucheurs en Californie et en Allemagne fédérale pourlivrer à Elektronorgtekhnika (Elorg) une ligne de fabricationcomplète pour la production de circuitsintégrés. Recherché par les polices d'unedemi-douzaine de pays pendant des années, Bruchhausen donnedes interviews quasi-surréalistes à la BBC et àla télévision allemande avant son arrestation enGrande-Bretagne, en mai 1985. Il sera ensuite extradé auxEtats Unis en mars 1986, et condamné à 15 ans de prisonferme le 30 mars 1987.

Ainsi Brian Vernon Williamson, citoyen britannique agé de57 ans, fiché sur la Liste Noire du Départment duCommerce depuis 20 ans. Lorsque les autorités britanniques ouaméricaines ferment l'une de ses sociétés, ilplie bagage et en crée une autre. La dernière connue,DATALEC, a réussi à acheter en 1984 trois ordinateursVAX 11/780 pour le compte des Soviétiques. Williamson esttoujours en fuite à ce jour.

Ainsi Charles McVey, un poids lourd américain de plus de130 kilos à la tête d'un réseau de faucheurs dontles activitiés remontent à 1975. McVey fournit auxSoviétiques des ordinateurs IBM 370 mainframe, de lamaintenance, des cours sur les systèmes informatiquesoccidentaux, et dirige toute une panoplie de sociétésécrans aux Etats Unis et en Europe. Sa dernièreentreprise en date, démasquée juste à temps parles douaniers américains, fut d'acheter le secret d'un toutnouveau super-calculateur en Californie . En fuite depuis denombreuses années, il est finalement arrêté parhasard au Canada en août 1987 et extradé aux EtatsUnis.

Le Français Aimé Richardt est membre de plein droitde cette éminente confrérie. Mais c'est un[technobandit] commerçant d'un style nouveau. Au lieude fuir, une fois démasqué, il s'entoure d'avocats. Aulieu de se faire oublier après s'être heurté auxrefus de l'administration, il se crée des amis dans le mondepolitique pour faire avancer sa cause. Au lieu de filer installer soncentre opérationnel dans un autre pays, il choisit de demeurerdans sa campagne de Conflans-sur-Lanterne et de contre-attaquer envisant le système de contrôle lui-même, ledifficile consensus qui réunit les pays-membres du COCOM."Richardt continue contre vents et marées," reconnaît-ondans les services à Paris. "Evidemment, s'il travaillait dansl'agro-alimentaire, il serait moins dangereux."

Pour l'agent spécial JD de l'US Customs Service, unofficier traitant américain qui a une longue expériencedu "cas" Richardt, l'homme n'a pas manqué de susciter unecertaine admiration. "Il existe d'autres [technobandits]personnes du genre qui font de la France leur centred'opérations, c'est certain. Mais personne ne peutégaler Richardt. Personne ne sait se monter aussiprofessionel, aussi "propre." Vous ne verrez jamais Richardtinculpé au titre de l'Article 80, Section 2, du CodePénal [c'est-à-dire, d'espionnage]. Quand ilconclut un marché, il prend l'avion pour Moscou. Toutsimplement. Tout ce qu'il fait, il le fait ouvertement. C'estactuellement en France le meilleur en son genre. Et puis, c'est uncommerçant de génie."

[Said one U.S. case officier: Richardt is France's besthigh-tech diverter. There may be others currently operating, andunder investigation, but there is no one else in this country whocould shine Richardt's shoes. No one is as professional, or as clean.You'll never see Richardt getting prosecuted [on espionagecharges] under Article 80, Section 2-3 of the penal code (ie, forclandestine meetings with foreign agents). When he signs a deal, hesimply flies to Moscow., It's all out in the open. And he's abrilliant businessman."]

Passeur, Richardt? Evidemment, l'interessé s'endéfend farouchement. Il se présente comme hommed'affaires honorable, victime d'un "faux procès"fabriqué par les Américains qui cherchent, àtravers le COCOM, "à se procurer les noms des clients des paysoccidentaux en URSS", pour leur proposer ensuite "des prixinférieurs. C'est de la concurrence déloyale!" seplaint-il "On essaie de torpiller un chiffre d'affaires de 300millions de francs par an." Ou encore: "Nous prenons des commandesaux Américains. Ils essaient de nous mettre hors du circuitcommercial....Je suis victime d'un coup monté par desbarbouzes américaines plus ou moins liées à laCIA.

Inutile de rappeler que le chiffre d'affaires dont parle Richardtprovient en bonne partie d'un fond de commerce en technologieshautement sensibles, dont toute exportation vers les pays de l'Estest contrôlée, voire interdite par le COCOM. [Cancut this sentence] D'où le terme "technobandit," quiévoque précisement celui qui tente de forcer l'embargodu COCOM par diverses austuces, légales ou non. Qu'il s'agissede matières premières, comme les substrats GGG pour lessemi-conducteurs que Richardt a exportés vers l'URSS pendantles années 1970 (voir le contrat avec le Quad Group), ou del'atelier de production des mémoires à bullesexporté à partir de 1981, tous les contrats du Dr.Richardt que nous citons dépassent - et de loin - les normesdu COCOM. L'importance de ce dernier contrat fait de Richardt l'unede principales sources d'approvisionnement pour l'URSS enéquipements de fabrication de semi-conducteurs, l'une despremières technologies recherchées par la VPK. Il n'y apas de doute: Aimé Richardt figure parmi les "grands" dugenre, comme Müller, Bruchhausen, etc.

Comment réussit-il à déjouer lescontrôles? Par trois méthodes principales: la "valse desétiquettes" (que l'on a décrite au premier chapitre etqui a pour résultat de camoufler l'origine des technologiesré-exportées), l'utilisation d'un réseaucomplexe de sociétés écran qui revendent entreelles ces équipements (le "réseau Richardt"), et desactions en justice quasi-permanent, dont le but évident est dedissuader l'administration des douanes, ainsi que les journalistesintéressés par son cas, d'examiner de trop prèsses activités.

En outre, Richardt a trouvé un astuce dont il s'est fait lespécialiste: l'établissement d'une zone grise entre cequi est autorisé à l'exportation aujourd'hui, et ce quile deviendrait après une inévitable liberalisation desrègles d'avenir. Pour l'agent spécial JD., Richardt"joue avec le temps. Quand on le coince, il tente par tous les moyensde faire traîner la procédure devant les tribunaux,jusqu'à ce que la réglementation du COCOM en vienneà changer. En outre, il engage des procès endiffamation contre tous ceux qui l'accusent d'avoir enfreint cesmêmes règles. C'est exactement ce qui s'est passéau Luxembourg."

Comme nous le disait un haut fonctionnaire français, dontnous étudierons plus loin les relations avec Richardt: "C'estun sacré retors."

.c2.Passé trouble, ou self-made man?

Qui est-il, celui que l'on qualifiera de "mystérieuxphysicien" ?Les services français et américains, quis'occupent pourtant de près de son cas, avouent disposer detrès peu d'élements biographiques. Ilss'inquiétent de ce qu'ils qualifient de "trous énormes"dans son passé.

Car Aimé Richardt a laissé peu de tracesderrière lui pendant toute une période de sa vie.D'après des documents dont disposent différentstribunaux français, il est né le 6 avril 1934 àRemiremont dans les Vosges (88). Mais pour les autoritésfrançaises sa vie est truffée de mystèresjusqu'en 1959, lorsqu'il épouse la fille d'un maître deforges vosgien, Denis Rousse. "Richardt n'a ni parents, nifrères ou soeurs que l'on puisse retrouver: il n'a jamais faitson service militaire," nous apprennent des sources dignes de foi ausein de l'administration française. "Son passéparaît comme effacé par la Deuxième Guerremondiale. Pour nous, il surgit d'une obscurité complèteen 1959, pour y retourner presque aussitôt."

Pour ses proches, Richardt paraît cependant un peu moinsmystérieux. "C'est un self-made man," nous dit une cousine quihabite toujours dans la région. "Il a dû montertrès tôt à Paris, où il a fait sesétudes. Plus tard, il a travaillé la-bas, où ila habité avec sa mère, Lucienne Fade." [Passageéventuellement à supprimer: Mais il n'existe aucunetrace des premiers emplois de Richardt à Paris; et samère, avec laquelle il s'est apparement brouillé, estmorte à la fin de 1987 - juste au moment où l'oncommence à s'interesser de près à sonsort.]

Mais Richardt entretient lui-même le mystère. Unefois révélé par l'Express en octobre 1987, ildécide d'accorder quelques interviews à la presse. APhilippe Hervieux du Figaro, il explique qu'issu d'une familleouvrière, il lui a "fallu attendre le service militaire pour[se] découvrir des aptitudes scientifiques." Maisdans la famille de son épouse, ainsi que dans sa procheentourage, on n'a aucun souvenir du jeune soldat Richardt - àune époque où on aurait pourtant dû le remarquer,puisque c'était en pleine guerre d'Algérie. Pourquoicette obscurité?

Au Bureau Central d'Archives Administratives Militaires àla Caserne Bernadotte à Pau, où sont soigneusementclassé les fichiers du service national, il n'y a aucun traced'un Aimé Richardt né le 6/4/34 à Remiremont. Oubien Richardt est issue de la Légion Etrangère(où l'on change de nom), ou bien il a sciemmentoffusqué la réalité vis-à-vis de sonservice militaire. Pourquoi?

Ce que nous pouvons affirmer avec certitude c'est que le jour deson mariage, le 31 juillet 1959, Richardt apparaît comme unhomme seul. L'unique parent qui l'accompagne à la mairie dupetit village de la Haute Saône où règne le clande sa future épouse, Dampierre-les-Conflans, est sa tante,Odette Fade; son père, Jean Richardt, né en Allemagneen 1905, ayant apparement disparu. Richardt indique àl'époque comme adresse le 18 rue Lemercier, Paris 18ie, etcomme profession - apprise à l'armée? -"radio-électricien."

Le cursus de Richardt est relativement plus clair à partirde 1959. L'image que l'on retire de notre enquête est celle dequelqu'un qui tente, par des activités commerciales etacadémiques diverses, de s'établir dans la vie, et dese faire un nom dans les milieux de la haute technologie. Je diraismême plus: à certains moments, et surtout cesdernières années, Richardt s'est comporté sibrillament devant son public qu'il a réussi à faireoublier l'obscurité de ses origines par la transparence de sesactes. "Qui est Aimé Richardt?" s'interroge un ami intime quenous avons pu rencontrer chez lui à Luxeuil-les-Bains. "Je leconnais depuis quinze ans. Mais au fond, je ne le connais pas. Il nese livre jamais. Quand on se voit, il raconte des blagues. Il parled'autre chose. Mais jamais de ses affaires. Et c'est pour çaque je dit que c'est quelqu'un de grande valeur: il garde ses secretspour lui."Entretien avec l'auteur, le 16/5/89.

Quels secrets? D'abord, ceux de son reseau. Mais égalementsa fortune personnelle, que son banquier, Monsieur G. Antoine, quenous avons interviewé dans un bureau de la BNP de Luxeuil enplein travaux, qualifie de "considérable." Avant depoursuivre: "M. Richardt a des sociétés ici et àl'étranger, ce qui est bien naturel pour un homme d'affairesinternationales." Ainsi nous avons pu apprendre, par des documentspublics, qu'en plus du "château" de Varigney, Richardtpossède un hôtel particulier situé [au 16,Place St-Pierre] à Luxeuil-les-Bains, ainsi qu'unapartement à Paris. Il y a quatre ans, d'après lesarchives du commissariat de police de Luxeuil, il avaitdemandé un convoi extraordinaire jusqu'à la Côted'Azur pour y transporter un yacht qu'il avait fait construire dansla cour de sa propriété, pour la coquette somme de 2millions de francs.

.c2.Un russophone chez les Américains

D'après Philippe Hervieux, le jeune Aimé Richardt a"exercé un temps le métier de représentantexclusif d'une marque américaine d'huile destinéeà la haute technologie." Puis, cherchant àétoffer son curriculum vitae, il s'est inscrit à lafaculté de Lyon à l'âge de 35 ans, pour y passerune thèse de doctorat en Physique nucléaire.

Mais, vérifications faites, il s'avère que lachronologie de ses deux évènements est inversée.Il est même curieux que quelqu'un puisse chercher àbrouiller ainsi les pistes. Mais chez Richardt, c'est presque untrait de caractère. "Aimé le fait souvent," noussignale l'un de ses anciens patrons, l'Américain SteveGoldschine. "C'est quelqu'un qui essaie toujours de se montre sous lemeilleur jour et qui n'hésite pas à broder sur lesdétails lorsque cela lui convient." Ainsi Richardt seprésente au Tribunal de Luxembourg comme ayantété le "Président de Veeco France de 1958à 1975." Mais cette société n'existe en tant quetelle qu'à partir de 1967! Avant cette période,Richardt n'a été qu'un simple representant de Veeco US,selon Goldschine, le PdG de cette société.

En plus d'une formation technique, Richardt est un linguisteaccompli. Il parle l'anglais et le russe de façon courante, etil aurait des connaissances d'allemand et d'arabe - du moins, c'estce qu'il affirme. .

Nous savons, pour avoir conversé avec lui en anglais, quesa maîtrise de cette langue est plus que suffisante, unemaîtrise, qu'il doit, nous dit-il, "aux années oùj'ai travaillé avec des sociétésaméricaines."

Mais le russe? Comment Richardt peut-il maîtriser cettelangue si différente de la nôtre qu'elle n'utilise pasle même alphabet? Richardt n'a suivi aucune formationlinguistique dont on puisse retrouver la trace. Alors on revient auxaffirmations de sa famille selon laquelle c'est une "grossetête," un "self-made man" qui, au milieu d'une vieprofessionelle bien remplie, trouve le loisir de s'instruirelui-même. Pourquoi pas?

Vers 1959, Richardt commence à travailler en France pour lasociété américaine Veeco, commereprésentant pour sa ligne de produits "instruments etaccessoires scientifiques". Avec l'évolution de la hautetechnologie au milieu des années 1960, Veeco sespécialise dans les appareils très sophistiquésqui servent à la fabrication des "puces." Dans lafoulée, elle décide de créer en 1967 une filialeen France , dont Richardt devient l'employé. A ce titre, ileffectuera de nombreux voyages, même prolongés, auxEtats-Unis.

A cette époque, Richardt et sa famille habitent St.Germain-en-Laye. Mais en 1969 il se porte acquérir d'unterrain dans un petit village endormi entre Fontainbleu etVersailles, Fontenay-les-Brïis. Et rapidement, son statut ainsique sa fortune, vont changer.

En 1975, Veeco décide de se séparer de Richardt.Pourquoi? [En raison du détournement vers l'URSS desproduit Veeco soumis au contrôle de leur destination finale? Oude façon plus banale, par simple méfiance liéeà une affaire industrielle?] Le patron de Veeco-Lambda, lasociété-mère, a esquivé la questionlorsque nous lui l'avons posée. "Disons que Richardt ne nous apas quittés dans la gloire," a lâché SteveGoldschine. "Aimé a eu une carrière bienentachée." [Richardt did not leave us in glorry.Aimé has had a rather chequered career." ]

Quoi qu'il en soit, lors qu'il travaillait chez Veeco, Richardt aacquis une connaissance détaillée des fabricantsaméricains specialisés dans les appareils de productionde semi-conducteurs. Il sait dorénavant qui doit êtrecontacté pour tel type de produit et où trouver telappareil rare. C'est un acquis très précieux pour lesramasseurs du VPK. Ceux-là mêmes qui allaient devenirpar la suite les principaux clients d'Aimé Richardt:Technopromimport.

Quelques années avant son départ de chez Veeco,Richardt va entamer une longue et fructuese relation avec une PMEfrançaise, La Physique Appliquée Industrie, LPAI, unerelation qui sera d'ailleurs à l'origine de frictions avec laVeeco. En 1973, il lui vend une licence Thomson-CSF (pour une partiedu procédé "Microetech") dont Veeco prétendqu'elle ressemble un peu trop à sa propre production. .Bientôt, LPAI se met à fabriquer une partie desappareils que commercialise Veeco, et en importe le reste.

D'après la note préparée par l'avocat deRichardt citée plus haut, c'est précisement àcette époque que LPAI "a obtenu du service du classementdouanier... une catégorie non soumise à licence" pourl'appareil "Microetech" utilisé pour les mémoiresà bulles, et commence à l'exporter vers l'URSS. "Depuis1973, le Docteur Richardt, légitimement, ne savait qu'uneseule chose," conclut l'avocat. C'est "qu'il ne fallait pas delicence d'exportation depuis la France" pour ce genre d'appareil.Cette catégorie tarifaire "a depuis étéutilisée par Veeco-France, LPAI, LAS, Sogexport pour exporterle Microetech sans licence vers différents pays, dont ceux del'Est européen."

.c2.Aider l'URSS à rattraper son retard

C'est un passage capital, car il situe avec précision ledébut des exportations de Richardt vers l'URSSd'équipements destinés à la fabrication dessemi-conducteurs. C'est précisement l'époque oùl'on commence à apprécier l'importance des "puces,"aussi bien sur le plan commercial que militaire. D'aprèsl'éminent expert américain en informatique, le Dr LaraBarker, c'est également l'époque, où lesSoviétiques commençaient à ressentir leurhandicap dans le domaine des semi-conducteurs, et recherchaient dessources occidentales pour "rattraper le retard technologique parrapport à l'industrie de circuitsimprimés/micro-ordinateurs américaine." [to closethe technological gap between themselves and the US in the integratedcircuit/microcomputer industry"].

D'après le temoignage du Dr. Barker, la premièretentative connue des Soviétiques en vue d'acquérir lestechnologies nécessaires à la fabrication dessemi-conducteurs remonte à 1974-75. Elle est l'œvre deRichard Müller et son complice, Volker Nast - en fuite tous lesdeux aujourd'hui. Une deuxième tentative, qui réussitégalement, est menée en 1978-80 par Werner J.Bruchhausen. Dans les deux cas, les intermédiareseuropéens vont tisser des liens avec dessociétés américaines de haute technologie,auxquelles ils achètent le matériel recherchépar la VPK soviétique. Pour mener l'opération àbien, ils se servent du réseau de sociétésécrans aux Etats-Unis et en Europe.

"Il ne faut pas se leurer," explique le Dr. Barker devant leCongrès américain en 1982 . "Il ne faut pas croire queles Soviétiques se hasardent sur le marché noirà la recherche de composants stratégiques tous azimuts,qu'ils achètent n'importe quel produit à double usage(dual use) sans but précis.

"La vérité, c'est que les Soviétiques etleurs alliés n'achetent rien dont ils n'ont pas un besoinprécis, bien défini. Ils savent exactement ce qu'ilveulent - à même le numéro de série. Et cequ'ils veulent fait partie d'un objectif global qui est soigneusementélaboré."["We delude ourselves if we think theSoviets enter the black market in search of strategic components in ahelter-skjelter style, buying up dual-use commodities without rhymeor reason. The truth of the matter is that the Soviets and theirsurrogates buy nothing they don't have specific, well-defined needsfor. They know exactly what they want - right down to the modelnumber - and what they want is part of a carefully crafteddesign."]

Cet objectif, dans le cas du Bruchhausen et Müller, "estl'achat de lignes de fabrication de semi-conducteurs" qui seraientd'un grand renfort à l'effort de guerre de l'arméerouge.

Et Richardt? Regardons de plus près. La liste de produitsrecherchés par Richardt au titre des contrats "BIF 1," et "BIF2" avec Technopromimport concerne précisement le type dematériels achetés par Richard Müller et WernerBruchhausen à la même époque. Il s'agitd'implanteurs d'ions, d'appareils de gravure sur tranche (wafer), de"masques" pour circuits intégrés, des foursspéciaux, etc, le tout étant identifié avec unetrès grande précision. Selon le Dr. Barker, il s'agitde "tous les équipments nécessaires pour une bonneligne de fabrication de circuits intégrés. [LesSoviétiques] ne se sont pas laissé tenter par deséquipements démodés. Tout était dudernier cri technologique. Ils ont fait preuve d'un excellentgoût." [[The Soviets] have purchased clandestinelyall the hardware they need for equipping a good integrated circuitproduction plant. They showed no interest in purchasing productionequipment that was not state of the art. They showed very goodtaste.]

Que Richardt.se soit mis consciemment au service de l'effortmilitaire soviétique ou non, les équipements qu'il alivrés à l'URSS, avec ou sans l'autorisation desautorités françaises, ont porté atteinteà la sécurité de l'Occident dans la mêmemesure que ceux livrés par les plus grands "technobandits"connus à ce jour, Müller et Bruchhausen. Differencemajeur entre Richardt et ces deux individus: il est manifestementplus intelligent. Il a agi en toute impunité (ou presque)depuis le début, au vu et au su des autoritésfrançaises, qui lui ont donné quittus - parécrit! - de la régularité de sesré-exportations de matériel américain versl'URSS entre 1979 et 1983 . D'où le mauvaise humeur croissantedes Américains dès que l'on évoque son cas. Etle sentiment de scandale qu'éprouvent certains hautsfonctionnaires français.

.c2.Le Réseau

Le 13 août 1975, tout de suite après avoir dûquitter son emploi chez Veeco-France, Richardt commence àtisser son réseau. Avec un noyau d'associés qui nechangera guère jusqu'aujourd'hui, il lance lasociété Les Accessoires Scientifiques, au capital de100.000 F. Immatriculée au Registre de Commerce de CorbeillesEssonnes le 1 septembre 1975 sous le numéro B 303 804 272,cette société adoptera comme siège le domicilede Richardt, au 7 allée des Tilleuls àFontenay-les-Brïis.

Outre Richardt, les associés sont: André Noirot,né le 20/4/29 à Paris 13e (Directeurgénéral, qui remplit une fonction similaireauprès d'autres sociétés du reseau), Raymond D.Mathis, né le 3/4/26 à Los Angeles et domiciléà Long Beach (Californie), et Roger Locrai, né le24/6/33 à Paris 14e (aujourd'hui un des directeurs de LPAI deGrenoble). Le commissaire aux comptes, M. Christian Duverdier, estcelui que Richardt à connu lorsqu'il travaillait chez Veeco en1967. Il remplit aujourd'hui les mêmes fonctions pour presquetoutes les sociétés du réseau Richardt.

Cette société constitue le noyau du réseau,et va subir plusieurs modifications tout au long de sacarrière lucrative. L'objet social déclaré aumoment de sa constitution est "la fabrication, l'importation,l'exportation, l'achat, la vente, la distribution sous toutes sesformes, l'entretien et la réparation de tous appareils etmatériels scientifiques et industriels et de toutesfournitures ou matières utilisées dans les domainesindustriels et scientifiques." Bref, à peu près tout cequi touche au commerce de la haute technologie. Cet objet social nesubira qu'une modification - dont nous apprécieronsl'importance - par la suite: l'incorporation dans les statuts de lasociété d'une clause permettante "toutesopérations industrielles, commerciales, ou financières"pouvant se rattacher à son objet social, ainsi que lapossibilité de prendre des participations dans d'autressociétés similaires. .

LAS se dote donc de la possibilité de s'effacer au profitd'autres sociétés qu'elle pourrait acheter par lasuite. Cela s'appelle à juste titre: unesociété-écran.

Deux ans plus tard, Richardt crée une deuxièmesociété commerciale également avec un partenaireaméricain. Inland Europe SARL est constitutée le 29novembre 1977 avec un capital de 20.000 F, toujours au domicile deRichardt à Fontenay-les-Brïis. Cette fois-ci, lepartenaire de Richardt s'appelle Michael H. Meyer, President de lasociété Inland Vacuum Industries Inc, dont lesiège est situé 35 Howard Avenue à Churchville,New York (Etats Unis). Les deux partenaires se partagent le capitalpar moitié.

En plus du commerce des appareils scientifiques (tout comme LAS -ce qui donne déjà une certaine souplesse au petitréseau), cette société va se spécialiserdans la commercialisation en Europe des lubrifiants et autres fluidesutilisés dans les appareils à vide et fabriquéspar Inland US - dont beaucoup sont contrôlés par leCOCOM à cause de leur taux de pureté trèsélevé.

.c2.Retour aux sources

En 1982, les parents de l'épouse de Richardt sontdécedés et elle hérite du "château" deVarigney, en fait une maison assez vaste mais peu comfortable qui setrouve dans l'enceinte des anciennes forges du même nom. Avantd'y installer sa famille de façon permanente en juillet 1982,Richardt fait effectuer de travaux de rénovation. Puis, le 29juillet 1982, il fait transférer le siège de LAS etd'Inland Europe à Varigney. Les sociétés sontdésormais enregistrées au Tribunal de Grande Instancede Lure sous les numéros respectifs B 303 804 272 et B 311 550693.

Entre-temps, nous l'avons vu, LAS connaît une expansionimportante grace aux contrats avec l'URSS. Richardt et sesassociés, Locrai et Noirot (l'Américain ayant disparuentre-temps), décident le 19 juillet 1982 d'incorporer unepartie des bénéfices dans le capital de lasociété, le portant ainsi à 250.000 F.

Mais c'est le 16 septembre 1983 qu'intervient un véritablechangement dans le destin de cette société, avec satransformation en S.A. et la nomination du premier "Conseil deSurveillance." C'est à ce moment-là que ChristianAmalric (né le 6/8/30 à Castel-Sarrazin, Landes), PdGde la Sogexport, entre en scène publiquement pour lapremière fois, comme President du Conseil.

Amalric amène avec lui deux autres collègues de laSogexport que l'on va retrouver par la suite dans les conseilsd'administration d'autres sociétés du réseau. Ils'agit de Jean-Pierre Georges (né le 31/10/41 à Fez,Maroc), et Mme la baronne Axelle de Saint-Affrique, néeTikhmenev (née le 30/12/48 à Paris, fille de M. NicolasTikhmenev). Grâce aux contrats soviétiques desmémoires à bulles, le chiffre d'affaires de LAS est enconstante progression. De 1 MF/ an en 1975, il tourne aux alentoursde 36 MF en 1983 et doit frôler les 250 MF/an à partir1985, d'après les dires de Richardt lui-même.

Pour sa part, Richardt doit juger que la réussite estpresque trop belle. Et, comme nous l'avons vu au premier chapitre, ils'est inquiété des attentions toutesparticulières que les Douanes américaines portaient auxactivités de LAS dès 1983. Il cherche alors unesolution pour le cas où LAS connaitrait le sort d'autressociétés du même genre, figurant sur la "listenoire" américaine.

C'est ainsi qu'il trouve une petite entreprise familiale dans labanlieue parisienne, Neyco SARL, au capital de 20.000 F, qu'ilachète lors d'une Assemblée généraleextraordinaire tenue le 4 mai 1984. Détail intéressant:deux mois auparavant, Richardt a réussi à convaincre ladirection de la société (François, Michel, etJocelyne Ney) de nommer un premier commissaires aux comptes, sansdoute pour évaluer le prix du rachat. Qui se trouvedésigné? Christian Duverdier (33, rue Daru, Paris 8e),celui-là même que l'on retrouve à LAS, Sogexport,LPAI et Inland Europe.

LAS effectue l'opération de rachat, grâce àune augmentation du capital de la Neyco (à l'hauteur de250.000 F), et par sa transformation en S.A. Comme LAS et Inland,l'objet social de la Neyco (ce qui a permis son rachat) concerne lecommerce des produits de haute technologie de toute sorte, ainsi quele commerce (ou exploitation) de brevets, licences etprocédés les plus divers. Aussitôt aprèsson rachat, le siège sociale est transféré au129, rue de Bellevue à Boulogne-Billancourt, et Richardt,André Noirot et Mme de Saint Affrique née Tikhmeneventre dans le conseil d'administration; à l'exception deFrançois Ney, qui est toujours actionnaire et administrateur,la famille Ney en sort. La Neyco est immatriculée au registrede commerce de Nanterre au numéro de B 542 032 255.

La société démarre en trombe. Dès en1985, son chiffre d'affaires dépasse les 22 MF,réalisés par l'essentiel avec des acheteursfrançais. C'est en 1986 que la Neyco commence à prendrele relais de LAS, avec une part d'exportation en très netteprogression (5.335.074 F au lieu de 675.625 F en 1985).

.c2.Les bonnes affaires de la Sogexport

Christian Amalric, patron de la SociétéGénérale de l'Exportation (Sogexport), filiale à89.3% de la Société Générale, peutestimer le bon Dieu lui a souri le jour où il arencontré ce partenaire de genie. Depuis qu'il s'estassocié avec Richardt dans LAS, les bénéfices dela Sogexport - qui était plutôt déficitairejusque-là - ne cessent de grimper. Amalric, homme d'affairesavisé lui aussi, sait reconnaître une mine d'or, et LASen est une. Surtout avec un marché captif comme l'Unionsoviétique. Richardt et lui pourraient devenir les Doumeng del'Informatique! Pourquoi pas ?

Quelques semaines après la saisie de Luxembourg, le 27 juin1985 très précisement, Amalric passe aux actes. Ildécide, lors d'une assemblée généraleextraordinaire de LAS, de la racheter completement enl'intégrant dans le giron de la Sogexport comme filialeà 100%. Le capital passe de 250.000 F à 5.000,000 F,"par voie d'incorporation audit capital de diverses sommesrégulièrement portées en réserves."Richardt et Noirot deviennent "gérants non associés,"tandis qu'Amalric est nommé président en titre. Le 11juillet 1985, Richardt fait radier LAS du Tribunal de Commerce deLure. La société est réinscrite le jourmême à Paris au numéro B 303 804 272. Sonsiège social se trouve désormais au 4, rue dePenthièvre - les bureaux de la maison mère,Sogexport.

Nous ignorons ce que Richardt a pu tirer de la vente de sasociété. Mais avec un carnet de commandes bien rempli,il a du en obtenir un bon prix. Il devrait en être d'autantplus satisfait qu'il avait compris - peut-être mieux qu'Amalric- que s'il restait seul, après la saisie intervenue àLuxembourg, sa situation risquait de devenir de plus en plusprécaire. Désormais, il bénéficie d'unecouverture et peut affirmer en toute tranquilité: "Jetravaille pour une grande banque française. Mon rôle estd'exporter."

Juste avant qu'il ne vende LAS, Richardt reçoit un visiteurimpromptu à sa maison de Varigney. Il s'agit d'unAméricain dénommé Ken Purser, présidentde la société IONEX, l'un des principaux fournisseursde Richardt aux Etats-Unis. Purser est descendu toutspécialement de Paris, dans une voiture de location, pourrencontrer son ami et client, Richardt. Effectivement, IONEX varemplacer le groupe QUAD comme fournisseur d'implanteurs d'ions auréseau Richardt dès l'année suivante;d'après certaines de nos sources, il pourrait même avoirservi d'intermédiare pour des achats d'AsGa aux USA pour lecompte de Richardt. Mais maintenant que LAS a étédécouverte par les douaniers américains, il faut laconsidérée comme définitivement"brûlée". Il va falloir trouver d'autres moyens,d'autres sociétés, pour continuer le commerce etinventer de nouvelle astuces pour surmonter le contre-temps deLuxembourg.

Et les astuces ne manquent pas. Premier acte: faire absorber LASpar Sogexport (en empochant un joli bénéfice).Deuxième acte: se diversifier encore davantage.

Le 28 juin 1985, Sogexport, qui a comme objet statuaire de prendredes participations dans d'autres sociétés, prend lecontrôle d'une société commerciale du nomd'Auracob SA, située au 37, rue Gay Lussac à Paris.L'ancien conseil d'administration de cette société estliquidé, son nom est transformé en Decrona SA, et sonsiège est transféré au 129, rue de Bellevueà Boulogne-Billancourt - dans les bureaux de la Neyco, autresociété du réseau. Le nouveau conseild'administration est constitué par André Noirot (lepartenaire de Richardt), Christian Amalric et Jean-Pierre Georges(membre du Conseil de la Sogexport). Les nouveaux actionnaires sontau nombre de deux: la Sogexport, et Mme Axelle de Saint-Affriquenée Tikhmenev. C'est elle qui remplit les fonctions desecretaire de direction auprès d'Amalric à laSogexport, et elle connaît tous les dossiers à fond.

Les objectifs de la Decrona sont très larges et visent, enFrance et en tous autres pays, à "l'étude, lacréation, la mise en valeur, l'exploitation, la direction, lagérance, de toutes affaires ou entreprises commerciales,industrielles, immobilières ou financières." Bref, toutet n'importe quoi. Si nécessaire, Decrona pourrait se mettreà fabriquer des appareils à vide pour la production demémoires à bulles; ou créer, acheter,gérer une autre société qui le ferait pour soncompte.

Aussitôt achetée par la Sogexport et Mme deSaint-Affrique née Tikhmenev, la Decrona prend une petiteparticipation dans le capital de LAS. . Pour le cas où...

Dernier ajout au réseau: la Sedame, sociétéanonyme au capital de 250.000 F, immatriculée au Registre decommerce de Pontoise sous le numéro de B 727 202 342. Cettesociété industrielle, spécialisée dansl'électro mécanique et la chaudronnerie, estrachetée par Richardt en 1987, selon son président,Daniel Nowak . Située dans les anciens locaux de la LPAI (14rue André Ampère, à Saint. Ouen-l'Aumône),cette nouvelle acquisition de Richardt élargit encore leréseau, en lui fournissant des locaux supplémentaire,peut-être moins surveillés, où il pourrait"modifier" les appareils achetés aux Etats- Unis avant leurré-exportation.

.c2.Le réseau en action

Que faire du réseau ainsi constitué? En fait, il vafonctionner selon le principe des vases communicantes. Les diversessociétés se transmettent des contrats de la mainà la main et se rachètent des participations, afin debrouiller les pistes et de tenir les douanes en haleine. [TK:changed this because of lawyer] Et surtout pour continuerà développer des affaires juteuses avec leur clientsoviétique.

Mais si les sociétés peuvent avoir des nomsdifférents (et nous ne prétendons pas avoirdécouvert tous les membres du réseauSogexport/Richardt), il n'en reste pas moins que l'on retrouvepresque partout.un noyau dur d'hommes et de femmes identiques. Ils'agit de Richardt, bien sûr, Christian Amalric (patron de laSogexport), André Noirot (partenaire de Richardt depuis 1975),Mme Axelle de Saint-Affrique née Tikhmenev, et Jean-PierreGeorges (de Sogexport). On retrouve également dans la plupartdes sociétés les commissaires aux comptes ChristianDuverdier et Jean-Marcel Dennis . Mais le plus souvent, quand ontéléphone un directeur en titre d'une dessociétés-écrans pour l'interroger sur sesaffaires, on se fait renvoyer à Noirot ou Amalric à laSogexport. Ce sont eux qui sont véritablement auxcommandes.

Regardons de plus près le fonctionnement duréseau.

D'après les avocats de Richardt, le chiffre d'affaires deLAS commence à chuter en 1987, à cause des saisies deLuxembourg et de Burlingame. Au lieu des sommes mirifiquesannoncées par Richardt, les prises de commandes seraient del'ordre de 68.547.166 F en 1987, pour chuter à 6.146.007 F en1988 .

Cela représente-t-il des pertes réelles pour leréseau? A en croire Richardt, il n'en est rien. "LaSociété Générale nous a demandéd'annuler toutes nos offres de prix sur l'URSS," annonce Richardtdevant un parterre de journalistes le 28 février 1989, enattendant l'ouverture du procès intenté contre lui parles Douanes de Grenoble. "Je suis allé le faire, àMoscou, il y a quinze jours. J'ai retiré pour 300 millions defrancs d'offres de prix" . Toujours d'après Richardt, lesdifférentes sociétés regroupées dans legiron de la Sogexport font encore à ce jour "un chiffred'affaires de 300 MF par an avec l'URSS."

Mais si LAS a été quaisiment éliminéedu marché, comment cela et-il possible? Elémentaire...Pour les contrats d'accelerateurs d'ions, par exemple, c'est la Neycoqui sert de paravent pour LAS, et dès 1986, quand LAS est misesur la liste noire du DoC américain. Neyco, alors inconnue desautorités américaines, va importer "des machinesdestinées à la fabrication de mémoiresmagnétiques et de semi-conducteurs", au titre des "commandespassées par la société LAS," apprend-ond'après les documents publiés par lasociété et déposés aġ greffe du Tribunaldu Commerce . Le chiffre d'affaires de la Neyco s'accroît defaçon vertigineuse grâce à ces nouvellesactivités, pour atteindre en 1986 16.427.766 F. Près dutiers est directement exporté.

Mais en 1987, Neyco commence à son tour à souffrirdes difficultés rencontrées par Richardt, et son CA esten chute sensible. "Cette situation est due aux difficultés etaux obstacles de plus en plus grands que rencontrent les entreprisesfrançaises spécialisées dans l'exportation detels matériels à destination, en particulier, des paysde l'Europe de l'Est," rapporte Richardt à son Assemblégénérale. Pour corriger cette baisse, Richardt indiqueque désormais il "s'efforce de rechercher trèsactivement des contrats de représentation avec des firmesproposant des produits à la pointe de la technologie." Cetteaffirmation, notons-le en passant, est en flagrante contradictionavec l'argument souvent utilisé par Richardt devant lestribunaux, à savoir que ces exportations vers l'URSSconcernent une technologie "veille de 15 quinze ans."

Toujours selon le principe des vases communicants, Neyco commenceà developper son "Département commerce de produitschimiques." Il s'agit entre autres de produits trèssophistiqués, dont certains sont couverts par des restrictionsdu COCOM (IL 1702, 1754, 1755, 1757, 1760, 1781, par exemple).Certains de ses produits sont achetés à un autre membredu réseau, Inland Europe, qui a été"gonflé" entre-temps par une augmentation du capital. Produitslubrifiants utilisés dans des fours à haute temperaturefonctionnant à vide, ces huiles font tourner les machines defabrication de semi-conducteurs vendues à l'Est, et àce titre sont assujeties au contrôle. Pour respecter lesrègles (et conserver sa capacité d'importer sesproduits des Etats-Unis) Inland Europe ne vend quasiment pas àl'Europe de l'Est mais seulement à des entreprisesfrançaises, britanniques (Ion Tech Ltd, autre fournisseurd'implanteurs d'ions), et allemandes (Elmatik GmbH, de Munich, quibénéficie en outre d'un contrat dereprésentation en URSS pour LAS qui lui rapporte quelquescommissions).

Les activités import et export sont de plus en plusdissociées, pour mieux assurer le maintien des sourcesd'approvisionnement en produits américains. Quand LAS et LPAIsont "brûlés" comme importateurs, leur rôle estassumé par Neyco. Quand Neyco est "brûlé"à son tour, grâce à la saisie de Grenoble, cettefonction paraît être reprise par Sedame et d'autres,comme Inland Europe, qui ouvre alors des bureaux parisiens

A partir de 1987, on constate une montée en puissance deDecrona SA (rachetée, on s'en souvient, par la Sogexport enjuillet 1985). Cette société réalise un chiffred'affaires de 32.961.080 F en1987, dont la totalité (moins6.617 F) est réalisée à l'exportation . Cesopérations représentent pour plus de 29 MF demarchandises, et de 3,3 MF de services (montage, formation). L'année davant, il n'avait déclaré aucun chiffred'affaires à l'exportation. Censée n'êtreà l'origine qu'une société financière,Decrona devient vite un relais important pour les contratsd'équipements du réseau.

C'est un jeu de paravents très sophistiqué. Maisderrière on trouve toujours le Dr Richardt et ses partenaires,Christian Amalric et André Noirot.

.c2.Le soutien politique

[Version éducoré, a remplaceréventuellement la partie entre []

Nous avons fait le tour des ministères qui partagent ledossier COCOM, et nul part parmi ses responsables on n'a pu trouverun défenseur d'Aimé Richardt. Pour certain, il est "uneépine dans le pied." Pour d'autres, il "nuit à lacrédibilité de la France auprès de nospartenaires du COCOM." Tous affichent, au nom de leur service, unevolonté ferme et sans équivoque de mettre Richardt"hors d'état de nuire." Et, en constatant l'impunité deRichardt face aux nombreuses plaintes des Douanes, tous se sententterriblement frustrés. Pourquoi le gouvernment françaisne parvient-il pas à mettre fin à cesactivités?

["Richardt est le type même du scientifiqueutilisé par les Sovétiques pour faire du rabattagetechnologique," nous dit un haut fonctionnaire français quis'y interesse de près

["C'est une épine dans notre pied," dit un autre, "quel'on finira bien par extraire."

["Aussi longtemps qu'on laissera Richardt courir les rues,"avoue un troisième, "il continuera de nuire à notrecrédibilité auprès de nos partenaires du COCOM."

[Chacun de ces trois hauts fonctionnaires travaille dans unministère différent et a en charge une partie dudossier complexe que constitue le COCOM. Tous les trois, affichent aunom de leur service, une volonté ferme et sanséquivoque de mettre Richardt "hors d'état de nuire"à la sécurité occidentale et à lacrédibilité de la France. En constatantl'impunité du Dr. Richardt face aux nombreuses plaintes desDouanes, tous trois se sentent terriblement frustrés. Pourquoile gouvernment français ne parvient-il pas à mettre finà ces activités?]

Dominique Lamoureux, qui dirige le "bureau COCOM" du groupeThomson-CSF, nous apporte encore un autre éclairage sur lesactivités du Dr. Richardt, la raison d'un industriel. "Destechnobandits comme Richardt tendent à obscurcir lesvéritable questions, les véritables enjeux du COCOM,qui sont d'ordre technique, politique et économique. Je medemande si toute la publicité que reçoivent cesaffaires ne cache pas une tentative en vue de déstabiliser lesréels efforts de la part du gouvernment français demettre en place un système de contrôle juste etefficace?"

Déjà en 1987, le Quai d'Orsay l'a "prié deréorienter ses activités," nous dit un hautfonctionnaire de ce ministère, "car elles ne coïncidaientpas avec les engagements internationaux de la France." Mais Richardtcontinue contre vents et marées. Nous avons pu ainsiapprendre, en avril 1989, que son dernier projet en date étaitla mise en place en URSS d'une chaîne d'assemblage demicro-ordinateurs français qu'il se propose vendre auxSoviétiques en kit.

Comment y parvient-il? D'abord, c'est un homme tenace, qui saitjouer pleinement des ambiguïtés des laréglementations françaises et européennes. Onl'a vu pendant le procès de Luxembourg: tout autre que luiaurait poussé un grand ouf de soulagement lorsque lacondamnation prononcée contre lui fut levée fin 1987,et aurait changé de "centre d'activité," comme on ditpudiquement. Mais pas Aimé Richardt. il réclame larestitution des machines saisies par les Douanes du GrandDuché et contre-attaque. Cela amène bien des gensà penser comme l'agent spécial JD., qu'en plus del'exportation des matériels "high-tech" son objectif est de"s'attaquer aux structures mêmes du COCOM, de faire sauter lescontrôles, de briser la fragile solidarité qui unit lesOccidentaux en matière de technologies stratégiques."Au ministère de l'Industrie, on le qualifie de "cas unique.C'est la première fois qu'un type comme lui s'attaquedirectement au système."

De plus, il s'efforce de trouver des appuis politiques dans lesmilieux de droite (barriste, RPR), sensibles à son argumentselon lequel le COCOM est d'abord un instrument de guerreéconomique utilisé par les Américains poursaboter les exportations françaises."Si nous avons obtenus desappuis de ce côté," dit Richardt à un journalistede l'Est Républicain, "c'est le signe que les hommespolitiques sont plus intelligents que les fonctionnaires." Ainsi, ilprend contact avec le député RPR Roland Nungesser,Président de la Chambre de Commerce Franco-Soviétique,qui le décore le 6 octobre 1986 pour ses efforts àl'exportation. . Nungesser va l'appuyer auprès desadministrations françaises, avec l'aide de la Chambre dont ilest le président et un autre organisme du même genre,l'Association France-URSS.

Deuxième appui important: le député RPRRobert-André Vivien, également maire de SaintMandé. C'est Vivien qui va intercéder en faveur deRichardt auprès du Conseil d'Etat en 1986, en vue dedébloquer des demandes de licences de LAS. D'après leDirecteur du Bureau du Contrôle des Exportations auministère de l'Industrie, que nous avons réussià joindre en avril 1989, M. Vivien "est intervenu chez nousà plusieurs reprises, par personnes interposés, enfaveur de Richardt. Mais quand il a compris à qui il avaità faire, il s'est arrêté. Vous savez, àmon âge, on n'a plus peur de rien."

Les tentatives d'intervention en faveur de Richardt viséégalement des hauts fonctionnaires chargés ducontrôle au Quai d'Orsay. C'est fois-ci la pression seraitvenue d'un membre du cabinet de Pierre Bérégovoy,Harris Puisais, qui aurait essayé d'obtenir le limogeaged'individus considérés comme "trop rigoureux" en ce quiconcerne l'application des règles du COCOM. Puisais est mortà la suite d'un triple pontage cardiaque le 13/4/89, avant quenous ayons pu le joindre pour vérifier ces allégations.Mais le fonctionnaire qui l'était l'objet de ses pressionss'est trouvé finalement muté à l'étrangerun mois plus tard. Son départ est qualifié de "perteconsidérable" par de nombreux collègues, qui craignentpour l'avenir des efforts français en matière decontrôle des exportations.

En mars 1988, peu avant les législatives, Richardtapparaît aux côtés du président dumouvement barriste pour la Haute Saône, Bernard Ferry, lorsd'une émission télévisé de FR3. Ferry estégalement le président de la compagnie de transportutilisée par Richardt lors de l'affaire de Luxembourg.Début mai 1989, Richardt est vu dans un restaurant de Vezoulen train de déjeuner avec un membre du bureau politique du RPRde la région. Etc, etc. Toutes ces activités sontparfaitement légitimes. Leur objectif semble consisterà tisser un réseau d'appui politiques et judiciaires(comme le juge d'instruction Claude Grellier, chargé de laplainte en diffamation de Richardt contre l'Express, et qui l'a connuauparavant à l'Association France-URSS) susceptibles del'aider à renforcer ses activités commerciales quand lebesoin s'en fera ressentir.

Aimé Richardt, puissant soutien aux industries militairessoviétiques, n'éxagère pas lorsqu'il seprésente comme un homme "couvert.".